Incursion atypique dans le vécu de la schizophrénie, "Vu d'ici" nous pose en voyeur auditif d'un étonnant tête à tête où la maladie semble se jouer de tous. Malade et proches. Une expérience intense et magnifiquement mise en vie par la compagnie Théâtre à Cru.
Un appartement à la propreté douteuse. Et deux frères, Stéphane et Frédérick. Une fraternité fragilisée par les années passées comme par les aléas de la vie. Et par la schizophrénie de l'un. Mal insidieux qui se glisse dans les méandres des existences de tous. Avec toutes les craintes, les peurs, les interrogations qu'elle suscite. Les choses auraient-elles été différentes si la maladie n'avait pas été là ? La confiance serait-elle restée ? Les confidences seraient-elles plus simples ?
"Vu d'ici" jongle avec beaucoup de finesse sur les nuances de la situation dépeinte. Dans un camaieu de bleu, de blanc, de gris. Le froid et le métallique de l'enfermement. Les couleurs vives des souvenirs d'enfance. Et les sons. Les voix qui se murmurent au creu de notre oreille. Les dialogues qui nous traversent par l'habile utilisation de casques audio. Les sons qui nous emportent, qui nous étourdissent, nous étreignent. Et puis le texte. Le dialogue que ces frères amorcent pour tenter de reconstruire le lien à partir de souvenirs. Ceux d'un passé commun. Mais qu'ils n'ont pas vécu pareil.
L'ensemble est d'une puissance et d'une finesse rare. Alexandre Le Nours et Laurent Seron-Keller font vibrer leurs personnages, tout en interiorité. La mise en scène d'Alexis Armengol semble jouer sur les déplacements circulaires, comme une spirale incessante dont on ne sait comment sortir. Sentiment accru encore par l'utilisation de techniques sonores matrisées, toujours au service du propos.
On finit le parcours comme un peu sonné. La puissance, la précision, l'incroyable jeu des comédiens nous a entrainé hors du temps. Hors du lieu. Intense. Et bouleversant
Karine Prost
Publié le 20 juillet 2021
photo @ DR
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