Festival Off – Bérénice des quartiers - Théâtre de la Luna - salle 2 – 21h10
Du slam de très belle facture et une adaptation pertinente de l’œuvre de Racine au monde contemporain. Le tout mis en vie par une compagnie qui a tout à la fois la fougue et les maladresses de sa jeunesse.
Une cité de banlieue, dans laquelle prospère un réseau de trafic de drogue. Une cité soumise à ses codes, sa hiérarchie et ses propres règles. Dont une, centrale, qui proscrit tout hymen entre personnes n’étant pas du quartier. Une maxime, répétée en leitmotiv tout au long de la pièce, qui traduit le déchirement de Titus. Ecartelé entre son « devoir de chef de réseau » et son amour pour Bérénice. Etrangère à la cité.
Voici une fort belle idée que d’adapter la pièce de Racine au 21ème siècle. Rome devient un quartier de banlieue, l’empire sera celui de la drogue. Les affrontements intérieurs de Titus entre devoir et sentiments resteront les mêmes. Identique aussi, le choix des alexandrins tout au long de la pièce. Un choix assumé mais qui n’atteint sans doute pas vraiment le but espéré. Déjà, les comédiens forcent souvent le trait pour marquer les 12 pieds des vers.
Ensuite, l’alternance entre tournures du 17ème siècle et vocabulaire des cités aboutit à un texte qui manque un peu d’authenticité. Et c’est dommage car le talent est là. Peut-être aurait-il fallu privilégier les alexandrins sur les passages slamés, en gardant un vocabulaire et des tournures plus contemporaines pour les dialogues. La transposition y aurait gagné en lisibilité. Réserve aussi sur la scénographie. Mieux vaut souvent pas de décors qu’un fond de scène mal exécuté.
La création a pourtant des atouts qui devraient permettre à la pièce de gagner en maturité et en qualité. L'idée de faire répéter la maxime de la cité par les comédiens en coulisses, comme un chœur de tragédies grecques, qui souligne les souffrances des personnages est notamment bien pensée (mais mériterait une sonorisation). Belle implication aussi des comédiens. Avec une mention toute particulière pour Naomi Vejdovsky dont la présence sur scène et la superbe voix donnent une belle puissance au personnage de Phénice.
Karine PROST
Avignon, 14 juillet 2024
Photo : DR
Texte : Thomas Griere D'après Jean Racine
Avec : Léon Dutour, Nina Garin, Thomas Griere, Thibault Rigoulet, Naomi Vejdovsky
Mise en scène : Thomas Griere
Régie : Basile Schlaubit
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