Haut le choeur des femmes
- ruedutheatre
- 23 juil.
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Dernière mise à jour : 24 juil.
Festival Off - Le procès d'une vie - Théâtre des Gémeaux - 16h30
"Le procès d'une vie", fiction historique inspirée du procès de Bobigny et de la vie de Gisèle Halimi, porte haut un combat féministe emblématique. Un théâtre salutaire d'une intensité sans faille défendu par sept comédiens ardents et convaincants. A voir impérativement.
Le Manifeste s'affiche en grand en fond de scène. Celui du 5 avril 1971 paru en Une du Nouvel Observateur, signé par 343 femmes, célèbres ou inconnues, autoproclamées salopes pour avoir avorté, pratique passible de prison. Un acte de désobéissance civile, un coup de boutoir au silence mortifère qui régit alors la vie des femmes. Quelques mois plus tard, c'est un procès qui amplifiera l'onde de choc. C'est ce procès de Bobigny dont se sont résolument emparées, pour construire leur histoire fictionnelle, Barbara Lamballais et Karina Testa. L'histoire de solidarité combattante de cinq femmes, inculpées pour avortement clandestin, soutenues par une invincible avocate. Autour de Marie-Claire, 16 ans, tombée enceinte suite à un viol, se lèvent à l'unisson, Michèle sa mère, Lucette, Renée et Micheline, la faiseuse d'anges. On suit le parcours de vie de ces femmes, modestes, de tous horizons, pas forcément militantes mais héroines devenues, mues par la force vitale d'entraide face à une iniquité séculaire. L'histoire s'inscrit dans l'Histoire quand Me Gisèle Halimi entre dans l'arène pour livrer sa plus célèbre plaidoirie, première pierre à la légalisation de l'avortement en France.

La mise en scène de Barbara Lamballais orchestre au plus juste et au plus près cet élan collectif. Quelques panneaux mouvants ouvrent à une circulation fluide et cadencée entre les espaces de vie et les époques. Les sept comédiens, qui interprètent 28 personnages aux trajectoires entremêlées, sont tous d'une intensité vibrante : Jeanne Arènes, piquante de drôlerie en catholique coincée et impérieuse en Simone de Beauvoir; Maud Forget est une Marie-Claire, tout à la fois fragile et opiniâtre ; Céline Toutain bouleversante en mère courage ; Karina Testa douloureuse en faiseuse d'anges, Déborah Grall tout aussi touchante dans ses fêlures ; Clotilde Daniault est naturellement imposante en Gisèle Halimi. Les mots de l'indomptable avocate résonnent, claquent, irréfragables. Face à un juge, à la froideur dogmatique, épatant Julien Urrutia.
"Le procès d'une vie" est de ces théâtres salutaires, militants, indispensables. En cette année des 50 ans de la loi Veil, et en ces temps obscurcis par une remise en cause croissante des droits de l'homme dans le monde, il est plus qu'impératif de se souvenir des mots de Simone de Beauvoir: "N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse, pour que les droits des femmes soient remis en question. Vous devez rester vigilantes votre vie durant".
Chantal MALAURE
Avignon, 23 juillet 2025
Photo : Simon Gosselin
"Le procès d'une vie - Gisèle, Marie-Claire, Michèle...et les autres",
de Barbara Lamballais et Karina Testa, texte lauréat de l'Aide à la création ARTCENA.
Mise en scène : Barbara Lamballais.
Avec : Jeanne Arènes, Clotilde Daniault, Maud Forget, Deborah Grall, Karina Testa, Céline Toutain, Julien Urrutia.
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