Un hommage percutant

Festival Off – Avant l’orage – Théâtre Artéphile – 15h20

Allemagne, années 30. Dans l’atmosphère encore insouciante des lendemains de guerre, un écrivain pressent pourtant déjà la tempête. Ödön von Horváth, dramaturge sensible et lucide, tente d’alerter sur la montée des nationalismes, mais ses mises en garde passent sous silence. Hommage à cet auteur au parcours singulier.

La pièce suit les pas d’Ödön von Horváth au fil des ans, depuis ses débuts d’écrivain jusqu’aux premières inquiétudes politiques, puis à son isolement croissant. On découvre un homme profondément humaniste, attaché à la complexité du réel et pourtant confronté à un monde qui se referme. Ses œuvres, souvent mal reçues ou mal comprises, disent déjà ce que d’autres préfèrent ignorer. Dans ses mots affleure une inquiétude sourde, celle d’un avenir qu’il voit venir sans parvenir à l’arrêter.

En parallèle de cet engagement solitaire, la pièce fait une place touchante à la relation qu’il entretient avec l’actrice de cinéma Hertha Pauli. Un lien poignant entre deux trajectoires qui s’accompagnent sans toujours se comprendre. À travers les personnages, les bouleversements sociétaux de l’époque se dessinent habilement en toile de fond. Leur histoire donne au spectacle un souffle d’humanité qui contraste avec la montée de la violence environnante.

On se laisse porter avec plaisir par le récit, qui est bien rythmé. La mise en scène est d’une grande lisibilité et parvient à faire exister l’intime et le politique, sans excès ni surcharge. L’ensemble est fluide, plein de justesse et parfois même assez léger pour faire sourire. Mais le plus marquant est la qualité du jeu des comédiens, profondément habités par leurs rôles. On vit les émotions avec eux, dans une proximité qui touche, avec un naturel désarmant.

Il est difficile de ne pas faire de lien entre le propos du spectacle et le contexte actuel. Certaines répliques résonnent aujourd’hui avec une acuité glaçante. Au-delà d’un hommage à Ödön von Horváth, “Avant l’orage” ravive des questions que l’on aurait tort de croire réglées. Un rappel nécessaire. Car après tout, « on oublie vite… n’est-ce pas ? »

Louise APRIN

24 juillet 2025

Photo : © Cie Le Sens des Légendes

Mise en scène : Elie Rofé

Avec : Mathilde Freytet, Fanny Le Pironnec et Matéo Troianovski

Scénographie : Jean-Benoît Thibaud

Texte : Matéo Troianovski