Papotage entre deux nages
- ruedutheatre
- 13 juil.
- 2 min de lecture
Festival Off 2025 – Les poissons ne meurent pas d’apnée – Théâtre des Béliers –
Par ces températures caniculaires, il est bien sympathique de convier le public, via une bande sonore, dans l’univers joyeux d’une piscine publique, bonnet de bain en prime ! Ici pas de jeux de ballons mais des joutes verbales. Un peu de philo dans l’eau…
Un homme (Christophe Lemoine) en maillot de bain, bonnet rouge et lunettes de natation sur la tête, s’étire, s’échauffe, occupe l’espace. Il est sûr de lui, il est chez lui. Arrive, côté cour, un autre homme (Vincent Paillier), en maillot de bain, bonnet bleu et lunettes de natation sur la tête… Un double mais moins trapu, plus élancé, plus timide et beaucoup plus méticuleux à voir comment il plie soigneusement son essuie suivant un rituel bien rôdé. L’habitué des lieux l’observe, claironne qu’il en a plein les bronches, qu’il a les nageoires amorphes, les écailles flétries, qu’il a enfilé les longueurs durant trois semaines, sans s’arrêter. Il lui souhaite la bienvenue.
Un dialogue s’entame. Une situation on ne peut plus banale. Elle se déclenche quasi systématiquement (moins souvent sans doute aujourd’hui et inutile de préciser la cause !) quand deux inconnu(e)s se rencontrent dans un train, une réception mondaine, une salle d’attente. Besoin de parler, d’établir le contact, d’assouvir sa curiosité, de donner, voire imposer, son point de vue, du moins pour l’un des deux.

Les échanges entre le bonnet rouge et le bonnet bleu semblent relever de l’absurde. On s’interroge ainsi sur ce qu’il faut « lire dans les yeux du poisson que l’on pêche sachant qu’il souffre puisqu’il est muni de nocicepteurs » ; sur l’intérêt de « flouter ses yeux et voir une majorité de petites taches rouges alors que les petites taches bleues, isolées, mettent leurs dernières forces dans des longueurs désespérées, sentant leur fin proche » ; et sur la certitude « que la taille du nageur devrait être proportionnelle à la taille du bassin »…
Au fil des séquences, une dizaine, le texte d’Emmanuel Robert-Espalieu devient limpide. Sans insistance, sans provocation, avec un certain recul, il décrit notre comportement, notre attitude, l’évolution de notre pensée. Suivant ce qui nous arrange, nous sommes tantôt bleus, tantôt rouges. Aucune récrimination, aucune culpabilisation. Un simple et juste constat : « Choisir une couleur, c’est choisir une famille, un camp, une éthique, un blason, une bannière qui abrite et que l’on protège ! ».
Les deux comédiens, dirigés par l’auteur - metteur en scène, connaissent leur texte sur le bout des doigts. Un véritable ping-pong aquatique ! Aucune baisse de débit ! Leur gestuelle est précise, épurée mais ample dans ce huis-clos qui n’a pour seul décor que cinq cubes translucides et lumineux. Une plongée dans le conscient et le subconscient de l’être humain éclairante.
Isabelle SPRIET
Avignon, 13 juillet 2025
duré : 1h20 – (relâche le 16 et le 23)
Texte, mise en scène : Emmanuel Robert-Espalieu
Interprétation : Christophe Lemoine, Vincent Paillier
Musique : Vladimir Kudryavtsev
Scénographie : Jean-Michel Adam
Lumière : Charles Degenève
Costumes : Camille Duflos
Photo © Cie La Belle Equipe
Diffusion : Alexandra Gontard




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