Andromaque : une mise à nu fantasque
- ruedutheatre
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Dernière mise à jour : il y a 2 jours
Est-ce encore judicieux de monter, aujourd’hui, cette pièce en vers du XVIIe de Jean Racine, inspirée des tragédies grecques de l’Antiquité ?
Cette question, toute l’équipe de création (Collectif La Brute) se l’est posée et la pose également au public avant la représentation.
La réponse est oui puisque, depuis que le monde est monde, depuis que les humains le peuplent, rien n’a fondamentalement changé malgré une espérance et une qualité de vie sans cesse croissantes. Plus de huit milliards d’habitants sur Terre, un minuscule point bleu eu égard à l’Univers, et toujours les mêmes comportements qui animent notre humanité : amour, haine, jalousie, trahison, guerre, folie, mort.
La comédienne Anne-Marie Loop arrive en habits de ville pour un prologue des plus savoureux. Elle nous souhaite la bienvenue, demande de nous regrouper pour une plus grande connivence et entame une liste d’avertissements drôles et instructifs. Elle précise encore qu’ils seront huit sur scène (parité respectée) à restituer, à la virgule près, l’entièreté des mille six cent quarante huit alexandrins.
Pas d’effet stroboscopique, pas de coup de feu, pas de drogue, pas de nudité, pas de décor (ni de bande son), pas de quatrième mur mais des violences psychologiques, des termes sexistes et des écarts d’âge qui peuvent heurter la sensibilité, un meurtre hors champ, … Unique effet scénique durant les deux heures trente : un lustre, référence à l’époque Louis XIV, dont les bougies ont été troquées en une espèce de phares, est descendu et remonté à chaque début d’acte.

Oreste (Johan Heldenbergh ) en robe-chemisier sans manche et son ami Pylade (Sélim Zahrani) en gilet de costume et jupe plissée arrivent du fond de scène sur un plateau immaculé et crayeux. Ils occupent l’espace corporellement et vocalement. Ils sont statiques mais leur débit est rapide, très rapide. Déjà que la structure des vers ne nous est plus très familière, ajoutons à cela l’accent de l’un comme de l’autre, la compréhension de ce qui est déclamé n’est guère facile. Celles et ceux très attachés à l’art oratoire seront surpris mais l’étonnement peut s’avérer plaisant.
Le texte étant connu depuis des lustres (!), l’intrigue n’est plus secrète. Un an après la guerre de Troie, Pyrrhus, roi d’Épire, aimé d’Hermione,est tombé amoureux d’Andromaque, sa captive, veuve d’Hector tué par Achille (père de Pyrrhus) et maman d’Astyanax qu’il menace de tuer si Andromaque ne l’épouse pas.
Un énorme travail sur le corps et la gestuelle a été demandé aux interprètes. Leur placement dans l'aire de jeu est visiblement étudié et justifié. Aucune neutralité dans leur présence à la limite du caricatural. On perçoit une tension de posture dans les membres supérieurs et inférieurs, dans le tronc de chacune et chacun tandis que le texte déboule.
En tant que spectateurs, notre impression vacille, alterne entre grosse farce, tragédie classique, pièce ordinaire, chorégraphie. Nous ne savons pas, nous, sur quel pied tenir pour nous sentir intégrés et touchés malgré l’annonce de l’absence du quatrième mur. Nous sommes donc, pour la plupart, restés en dehors, absolument pas émus par la fidélité d’Andromaque à son défunt mari, ni par la passion amoureuse d’Oreste pour Hermione, ni par la prestance et la pusillanimité du roi Pyrrhus.
Isabelle SPRIET
Tournai, 21 novembre 2025
Texte : Jean RACINE
Écriture du prologue et jeu:Colette COUTANT(Hermione), Jérôme de FALLOISE(Pyrrhus), Valentine GERARD(Andromaque), Johan HELDENBERGH(Oreste), Anne-Marie LOOP(Céphise), Raven RUËLL(Phoenix), Sophie WARNANT(Cléone), Sélim ZAHRANI(Pylade)
Lumières:Julien VERNAY
Costumes:Esther DENIS
Régie générale:Julien VERNAY
Assistanat à la mise en scène:Marion EUDES
Mise en scène :Raven RUËLL | Collectif La Brute
Photo : Hubert Amiel




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