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Cabaret schizophrène, humour carnassier : Dolorès frappe fort

  • ruedutheatre
  • il y a 3 jours
  • 2 min de lecture

« RIRE (pour en finir avec soi-même) » de Sara Selma Dolorès


Dans un cabaret fantôme où brillent autant les paillettes que les blessures, Sara Selma Dolorès sabote le music-hall pour mieux libérer la parole. Entre satire politique, burlesque débridé et drôlerie corrosive, elle signe un acte de résistance où le rire décape jusqu’à l’os.

 

Dès l’ouverture, le spectateur est happé par une ambiance d’un autre temps : brume légère, escalier monumental, tapis noir, silhouettes élégantes. Au centre, une femme de dos, coiffée d’un éventail de plumes de paon, entourée de gentlemen masqués. La meneuse de revue se retourne et entame un numéro de music-hall en apparence classique. Les danseurs disparaissent.

L’artiste se retrouve seule, gronde, improvise, occupe l’espace avec une verve irrésistible. L’ambiance bascule vers un stand-up mordant : robe trop serrée, situations absurdes, coups de griffes aux diktats sociaux, au féminisme, aux questions de genre, à la politique. L’écriture claque. La provocation grimpe. La performeuse tranche sans détour et déploie une palette de jeu impressionnante.

 

La salle devient partenaire : rires sollicités, réactions guidées, adresses directes. La maîtresse de cérémonie joue avec le public comme avec une matière brute, ajustant ses impulsions au lieu et aux spectateurs. Un moment fort survient lorsqu’elle interpelle un homme, le caresse ostensiblement en prétendant qu’il fut son compagnon, avant de faire émerger la question du consentement. Malaise, lucidité, éclats de rire : tout se heurte.

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Le spectacle s’alimente de ses ruptures : burlesques, dérangeantes, jubilatoires. La comédienne flirte avec la nudité pour dénoncer la bien-pensance et piquer là où ça fait mal. Puis l’excessif se fissure : surgissent une confidence, une faille. On ne sait plus si elle livre son histoire ou celle de son personnage. Ce flou devient le cœur vibrant du parcours.

 

Trois artistes électrisent aussi la scène. Baxter, performeur draggenderfuck, revisite Sacha Distel façon crooner singulier. Olga Kalachnikova ensorcelle par une danse sensuelle et un effeuillage millimétré. Alvilda, drag-queen lumineuse, raconte ses années de galère avant de monter sur les planches. L’autrice se tient en retrait, devient spectatrice, sœur d’armes. Ce qui semblait fantaisie prend soudain des allures de tragédie intime. Se dessine une ode aux « freaks », aux marginaux, aux mal-aimés, une famille de cœur qu’elle nous présente sans détour.


Après le show, nous voici dans une loge fictive : la meneuse se démaquille et dialogue avec un double schizophrène sur la possibilité de rire de tout. Ce procédé, un peu appuyé, alourdit légèrement la fin, comme si elle éprouvait le besoin de justifier son audace. Reste un spectacle hybride et puissant où le rire, lorsqu’il mord, libère encore.

Julien LALOY

Charleroi, 12 décembre 2025.

 

Conception, mise en scène, jeu Sara Selma Dolorès

Performeur-euse-s Baxter M. Halter, Avildaet Olga Kalachnikova

Dramaturges Laurent de Sutter, Meryl Moens, Stéphane Olivier

Assistanat à la mise en scène Amandine Servranckx

Prothèses corporelles, perruques et maquillage Rebecca Flores Martinez

Scénographie et direction technique Nicolas-Adrien Houtteman

Costumes Bastien Poncelet

Assistanat aux costumes Catherine Piqueray et Sylvie Thévenard

Création lumière Rémy Urbain

Création sonore Gil Mortio

Photo @Ancre

Production Lauréline Bombaert et Anne Festraets

Diffusion Lauréline Bombaert

 

Programmation

Théâtre de l’Ancre, Charleroi (Belgique) - Vendredi 12 et samedi 13 décembre 2025

CWB Paris (France) - Jeudi 18 décembre 2025

Latitude 50, Marchin (Belgique) - Mercredi 13 mai 2026

 
 
 

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