Le théâtre hurle ce que la justice tait
- ruedutheatre
- 17 nov.
- 2 min de lecture
« Murs Murs », création du Théâtre de l’Ancre par le collectif Rhizome et mise en scène par Lou Joubert Bouhnik, s’inscrit dans une démarche engagée et documentée.
Inspirée du livre « Je n’existais plus » de l’anthropologue belge Pascale Jamoulle, la pièce relie le personnel au collectif. Elle part de l’histoire intime de Julia, la grand‑mère de la metteuse en scène. Le spectateur plonge dans une enquête sur le rôle que jouent notre société et son système judiciaire dans l’invisibilisation des violences intrafamiliales.
Sur scène, deux comédiennes, en salopettes mauves, évoluent dans un décor minimaliste. Côté jardin, un musicien assure bruitages et musique en direct. Avec son looper, il répète des phrases marquantes et prolonge leur résonance. Ses effets sonores, notamment la machine à écrire au commissariat, intensifient l’atmosphère et le trouble. Des envolées chantées apportent également une douceur inattendue et renforcent l’émotion des récits.
Les accessoires sont détournés à l’infini : la table devient pupitre de tribunal, les chaises changent de fonction et de place selon les personnages. La mise en scène multiplie les face‑à‑face avec le public. Les actrices dissèquent le sens des mots, parfois jusqu’à l’os, pour en révéler toute leur portée.

Le spectacle alterne définitions pédagogiques et récits incarnés. On y suit Julia, Nora, Kim et quelques autres. Chaque histoire révèle une facette de l’emprise marquée par la dépendance et l’impossibilité de parler. La compagnie esquisse des chemins possibles de la déprise, ouvre des pistes, sans jamais les conclure, d’éternels nœuds à dénouer. Certaines séquences prennent des accents de cours de droit, au risque d’alourdir le propos. Mais des moments surréalistes apportent un contrepoint à la gravité de l’ensemble. La scène de l’assistante sociale ou celle du Saint-Sauveur produisent une respiration bienvenue.
Le jeu de Marie Coyard et de Ninùccia Berthet est remarquable : elles incarnent tour à tour victimes, bourreaux, juges, policiers, assistants sociaux. Leur polyvalence est saisissante, renforcée par le travail du musicien-performeur. Les dialogues sonnent justes. La scène du repas de Nora, où elle imite les membres de sa famille, atteint une force bouleversante, culminant dans la révélation de l’abus du beau‑père.
La représentation dénonce les défaillances judiciaires : procédures en manque de moyens, absence de reconnaissance, effacement persistant des violences. En Belgique, la loi « Stop féminicide » n’a été votée qu’en juin 2023, ce qui rend le propos encore plus actuel et hallucinant. Cette œuvre se présente comme une expérience salvatrice pour un public jeune, façonné par l’ère post‑« MeToo » et en quête de repères. « Murs Murs » va au‑delà du théâtre : c’est un cri qui brise le silence.
Julien LALOY
Charleroi, le 17 novembre 2025.
75 minutes – Dès 14 ans
La représentation est suivie d’un temps de réflexions partagées autour des enjeux soulevés par la pièce.
Photographie ©ANCRE
Mise en scène Lou Joubert Bouhnik
Ecriture Lou Joubert Bouhnik et Oriane Roty
Dramaturgie Emma Cohen Hadria
Interprétation Marie Coyard, Ninùccia Berthet, Luci Husson
Création sonore Luci Husson
Scénographie Sophie Denbleue assistée de Jonas Dechamps
Costumes Sophie Denbleue aidée de Kim Zelenay
Régie son et régie générale Julien Dispaux
Création lumière Maximilien Westerlinck assisté d'Ivan Hanon de Louvet
Tournée :
- Centre culturel de Rixensart : mardi 18 novembre 2025 à 19:00
- A suivre sur Instagram : @collective_rhizome




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