Un « Dimanche » extra-ordinaire, impressionnant mais peu émouvant

Un repas de famille emporté par le vent, un appartement qui se plie sous la chaleur, un salon envahi par les poissons : avec Dimanche, Focus et Chaliwaté transforment le quotidien en terrain de catastrophe.

Dès l’ouverture, le spectateur est happé par un décor intrigant : un plateau immense, une simple table recouverte d’une nappe blanche. Le calme avant la tempête. Un léger bruit de vent nous parvient aux oreilles. À partir de là, le son s’amplifie et le décor ne va cesser de se métamorphoser sous nos yeux ébahis.

Le spectacle alterne deux récits : celui d’une famille qui tente de préserver coûte que coûte un semblant de normalité malgré les secousses du climat et celui d’une équipe de reporters filmant les dernières espèces vivantes, incarnées par des marionnettes d’une grande finesse. Ces deux fils narratifs se croisent pour composer une fresque visuelle inventive où le loufoque côtoie la poésie.

Le travail sonore est omniprésent, comme le craquement de la glace rendu avec une précision telle que l’on croit sentir le sol se fissurer sous nos pieds.  Pas un instant de répit mais une stimulation constante qui rappelle le rythme effréné de notre société. La scénographie impressionne par la fluidité de ses transitions. Le jeu des comédiens, allié à la technicité des marionnettes, crée des tableaux fascinants, parfois proches du cinéma muet, de la comédie italienne ou même de l’esthétique « clipesque » des années quatre-vingt-dix.

Trois scènes marquent particulièrement : le repas chahuté par un vent si violent que la famille s’envole avec ses chaises, la chaleur extrême qui plie les objets et suspend un homme à l’horizontale et l’appartement submergé, traversé par des poissons. Autant d’images fortes qui frappent l’imaginaire.

Pourtant, derrière cette virtuosité, le propos écologique paraît attendu. Oui, l’humanité continue à vivre comme si de rien n’était alors que la planète s’effondre : un constat déjà largement relayé ailleurs. L’émotion, elle, reste en surface. On sourit, on est amusé, parfois fasciné, mais on n’est jamais bouleversé. La fin, trop fermée et fataliste, laisse un goût amer : aucun espoir, aucune ouverture, comme si l’action était vaine.

Reste un spectacle accessible que l’on peut voir en famille et universel puisqu’il a d’ailleurs déjà été programmé sur plusieurs continents. C’est une belle porte d’entrée vers un théâtre non classique. On sort de Dimanche impressionné par la maîtrise technique, amusé par l’absurde, touché par la poésie visuelle. Mais aussi à distance, comme devant une grande machine parfaitement huilée : impeccable, mais un peu sans âme.

Julien LALOY

Charleroi, 1^er octobre 2025

Écriture et mise en scène : Julie Tenret, Sicaire Durieux, Sandrine Heyraud

Interprétation : Julie Tenret, Sicaire Durieux, Sandrine Heyraud

Photo © MihaelaBodlovic

Avec (en alternance)  : Julie Dacquin, Sophie Leso, Thomas Dechaufour, Denis Robert, Shantala Pèpe ou Christine Heyraud

Marionnettes : Joachim Jannin (WAW ! Studio), Jean-Raymond Brassinne, Emmanuel Chessa, Aurélie Deloche, Gaëlle Marras

Scénographie : Zoé Tenret

Construction décor : Zoé Tenret, Bruno Mortaignie (LS Diffusion), Sébastien Boucherit, Sébastien Munck

Création lumière : Guillaume Toussaint Fromentin

Création sonore : Brice Cannavo

Réalisation vidéo et direction photographique : Tristan Galand

Prix Maeterlinck 2020 du Meilleur spectacle et de la Meilleure création artistique et technique

 En tournée :

 01/10 au  4/10/2025    Lyon, Théâtre de la Croix-Rousse

08/10 au 10/10/2025   Théâtre d’Orléans, Scène Nationale

07/01 au 12/01/2026   USA, Power Center, University Musical Society, Ann-Arbor

25/01 au 26/01/2026   Suisse, Vevey, Théâtre Le Reflet

05/2/ au 08/2/2026      Italie, Fabbricone, Théâtre Metastasio

12/02/ au 07/03/2026  Belgique, Bruxelles, Théâtre Les Tanneurs

18/03/ au 19/03/2026  Théâtre de Nîmes

21/03 au 22/03/2026   Perpignan, Théâtre de l’Archipel, Le Carré

02/04 au 03/04/2026   Belgique, Maison de la Culture Famenne-Ardennes

27/05 au 30/05/2026   Belgique, Théâtre de Namur